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02 novembre 2022

Prédire le risque de maladie de Lyme : le rôle des cerfs et des humains

Transmise par la tique à pattes noires, la maladie de Lyme est de plus en plus préoccupante au Québec. En effet, les cas ont augmenté de façon exponentielle depuis le premier cas déclaré en 2008. La taille des populations de tiques dépend de nombreux facteurs, dont la présence de mammifères hôtes, les caractéristiques de l’habitat, et l’environnement en général. Dans le sud du Québec, les hivers plus chauds sont partiellement responsables de sa multiplication. La surabondance d’un de ses hôtes principaux, le cerf de Virginie, pourrait aussi aggraver le risque de contracter la maladie. Après tout, plus il y a de tiques, plus le risque de se faire piquer est grand.

C’est ce sur quoi travaille Kari Hollett, étudiante à la maîtrise en biologie sous la direction de Virginie Millien, professeure agrégée de l'Université McGill. Son projet, l’un des cinq retenus pour les bourses de recherche Gault 2022, vise à mieux comprendre comment l’utilisation des milieux naturels par les humains et les hôtes de la tique tel le cerf peut influencer l’abondance de tiques à certains endroits. Elle espère ainsi pouvoir contribuer aux stratégies visant à réduire au minimum le risque de maladie de Lyme, à la Réserve et ailleurs.

La Réserve naturelle Gault : un choix naturel

Le mont Saint-Hilaire, maison de la Réserve naturelle Gault, est un lieu de randonnée des plus populaires qui attire les visiteurs de tout le Grand Montréal. Mais depuis quelques décennies, ses populations de cerf de Virginie croissent. La pression exercée par ces animaux conjuguée à celle d’un nombre grandissant de visiteurs est susceptible de nuire à la santé de l’écosystème ainsi qu’à la distribution et à la densité de la population de tiques, ce qui pourrait augmenter le risque de maladie pour les personnes qui empruntent les sentiers.

« La Réserve naturelle Gault est un endroit particulièrement intéressant pour ce projet, car elle se divise en deux secteurs distincts : le secteur public et le secteur de préservation. Puisque chacun a une présence humaine différente, on se retrouve avec un système naturel qui se prête d’autant plus à la recherche. » explique Kari.

Une tique dans une fiole d'ethanol
Kari Hollett tenant une tique à pattes noires fraîchement prélevée, préservée dans l’éthanol (photo : Alex Tran)

Isoler les facteurs d’abondance des tiques

Ce projet s’étend sur 16 sites, également répartis entre le secteur public et celui de préservation. Chacun est doté d’une structure appelée « exclos de cerfs », soit un espace clôturé de deux mètres de diamètre qui empêche les bêtes d’accéder aux plantes qui se trouvent à l’intérieur. En comparant ces espaces à une zone de référence non protégée de même taille, les équipes de recherche peuvent évaluer la pression du broutage des cerfs.

Des plantes poussent dans une zone grillagée
L’un des exclos de cerfs utilisés par Kari Hollett dans ses travaux (photo : Alex Tran)

Afin de rendre compte des interactions complexes entre les cerfs et les humains dans la nature, l’équipe de recherche a utilisé divers outils pour recueillir des données sur chaque site. D’abord, elle a installé des pièges photographiques pour déterminer la répartition géographique et temporelle des cerfs. Elle a aussi tenu compte de l’achalandage du sentier le plus proche de chaque site.

De mai à octobre, elle a fait un inventaire mensuel de la végétation pour évaluer la qualité de l’habitat (soit son habitabilité pour les tiques à pattes noires). Cette activité nécessitait, entre autres, de mesurer et d’identifier l’ensemble des plantes de chaque exclos et zone de référence, de même que d’effectuer le prélèvement de tiques.

Mais comment attrape-t-on ça, une tique?

Pour prélever les tiques sur le terrain à l’intérieur et à l’extérieur des exclos, Kari a appliqué la « méthode de la flanelle ». Celle-ci consiste à traîner par terre un morceau de flanelle blanche accroché à une poignée en corde. La flanelle imite la fourrure d’un mammifère qui frôle le sol, et les tiques s’y attachent au passage. Le modèle que l’équipe a employé peut même produire de la chaleur et du CO2, deux éléments qu’utilisent les tiques pour détecter d’éventuels hôtes.

La présence de tiques a été ensuite méticuleusement vérifiée tous les quelques pas. Le tissu étant blanc, les tiques y sont beaucoup plus visibles – un avantage non négligeable, car les nymphes des tiques à pattes noires sont environ de la taille d’une graine de pavot! Chaque spécimen trouvé a été soigneusement placé dans un contenant d’éthanol à l’aide de pinces, puis rapporté au laboratoire.

Deux personnes trainent des morceaux de tissus blancs sur le sol d'une forêt.
Kari Hollett et son assistant sur le terrain Cody Milligan utilisant la méthode de la flanelle (photo : Alex Tran)

Une personne inspecte un grand morceau de tissu blanc.
Comme les tiques sont noires, il est beaucoup plus facile de les repérer sur un tissu blanc (photo : Alex Tran)

Les espoirs du projet

« Il s’agit d’un projet important qui intègre de nombreux éléments de la Réserve naturelle Gault : l’humain, le cerf, la végétation… et les tiques.  J’ai espoir qu’il nous permettra d’en comprendre les interactions et contribuera ainsi aux stratégies visant à réduire au minimum le risque de maladie de Lyme, ici et ailleurs. » explique Kari.

À propos de la chercheuse

Kari Hollett a grandi en Ontario. Mis à part la recherche, elle se passionne pour la conservation et l’environnement, le plein air et la lecture. Elle souhaite travailler dans un endroit où son enthousiasme pour la biologie contribuera à faire avancer des enjeux mondiaux d’actualité.

Portrait d'une jeune femme
Kari Hollett (photo : Alex Tran)

Note : Bien qu’aucun cas de la maladie de Lyme n’ait encore été recensé à la Réserve naturelle Gault, les tiques à pattes noires y sont bel et bien présentes. Aussi devriez-vous prendre des précautions dans la nature. Découvrez nos cinq tactiques anti-tiques pour une randonnée en toute sécurité.

En-tête: La tique à pattes noires (Ixodes scapularis) peut transmettre le virus causant la maladie de Lyme aux humains et aux animaux de compagnie (photo : Alex Tran)

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