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03 août 2023

Nouvelles découvertes minéralogiques au mont Saint-Hilaire

L’alicewilsonite-(YCe), nouvel ajout au groupe de la mckelveyite, a été officiellement découvert en février dernier par des spécialistes du Musée canadien de la nature et du Musée d’histoire naturelle de la Norvège. Formé grâce aux rares conditions géologiques du mont Saint-Hilaire, ce cristal s’ajoute à la longue liste de minéraux dénichés dans la carrière de l’endroit, certains pour la toute première fois. Ce minéral, qui ressemble grandement à quelques autres, a été identifié à l’aide d’une analyse par microsonde électronique haute résolution et d’une diffraction des rayons X.

Malgré la taille microscopique du minéral, la portée de l’étude transcende les disciplines, notamment la médecine et l’étude des polluants.

Un nouveau cristal repéré au mont Saint-Hilaire

Quatre photographies représentant quatre spécimens d’alicewilsonite-(YCe), un cristal vert, jaune ou blanc qui forme des tiges et des plaques. Sur les quatre photos, on peut voir le minéral pousser par-dessus un autre distinct.
Quatre spécimens d’alicewilsonite-(YCe). Ce minéral peut être vert (photo a), jaune (photo c), blanc (photos b, d) ou un mélange des trois et se forme très souvent par-dessus un autre minéral du groupe de la mckelveyite (photo : Lykova et coll., 2023)

Encore une fois, un minéral a été découvert à la Réserve naturelle Gault, cette fois-ci par Inna Lykova, Ralph Rowe et Glenn Poirier de l’Université d’Ottawa, Henrik Friis du Musée d’histoire naturelle d’Oslo, en Norvège et Kate Helwig de l’Institut canadien de conservation.1 L’alicewilsonite-(YCe), nommé en l’honneur de la géologue canadienne Alice Wilson (1881–1964), fait partie de la famille de cristaux de la mckelveyite, qui comprennent des éléments rares comme l’yttrium et le cérium. Le spécimen a d’abord été considéré comme une variante d’un minéral déjà connu, la donnayite-(Y), mais des analyses approfondies d’échantillons recueillis à Gault par le Musée canadien de la nature d’Ottawa ont cependant révélé en février 2023 qu’il s’agissait d’un cristal distinct. Il fût alors le 72e minéral à être découvert au mont Saint-Hilaire.
  Les cristaux de mckelveyite sont réputés pour être indissociables à l’œil nu, présentant seulement quelques petites différences dans leur composition chimique. Mais alors, comment les scientifiques ont-ils découvert que l’alicewilsonite était différente?

Comment identifie-t-on les minéraux?

Photo d’un cristal d’alicewilsonite cristal formé autour d’une colonne centrale de donnayite prise par microscope électronique. Des traces de gaidonnayite, de calcite et de pyrite sont également indiquées. Le fragment de cristal mesure environ 1,5 mm de diamètre.
Un cristal d’alicewilsonite (Aws-YCe) formé autour d’une colonne centrale de donnayite (Dna-Y), avec des traces de gaidonnayite (Gdn), de calcite (Cal) et de pyrite (Py) également indiquées (photo : Lykova et coll., 2023)

L’analyse par microsonde électronique est une technique utilisée pour déterminer la composition chimique et élémentaire d’un minéral2. Un faisceau d’électrons bombarde la surface du minéral, excitant ainsi temporairement les atomes. Des rayons X propres à chaque élément sont alors émis, permettant aux minéralogistes de déterminer la composition chimique du sujet d’étude. Cette technique, avec sa résolution d’un micromètre (soit un millième de millimètre), peut distinguer tous les éléments du tableau périodique à l’exception des trois plus petits.

Mais une telle analyse peut seulement déterminer de quoi est faite la matière, et non comment s’agencent ses éléments. La majorité des minéraux sont cristallins, c’est-à-dire que leurs molécules constituantes forment une structure géométrique régulière et répétitive, comme les blocs d’un jeu de construction.3 Un cristal est une agglomération de ces molécules répétées, commençant par un « noyau » qui grossit au fil du temps. Pour schématiser la structure d’un cristal, les minéralogistes utilisent la diffraction des rayons X, une version miniature des radiographies que l’on passe chez le médecin. Les surfaces planes d’un cristal réfléchissent mieux les rayons, ce qui permet aux scientifiques d’évaluer l’emplacement des plans et des lignes de symétrie propres à une structure cristalline.

Pourquoi la Réserve dispose-t-elle d’une telle diversité de minéraux?

Plus de 50 spécimens de minéraux sont exposés sur des tablettes derrière la vitre d’un meuble en bois sombre au musée Redpath de McGill. Des étiquettes indiquent le type de minéral, mais elles sont illisibles à cette distance.
Une exposition des minéraux dénichés sur le mont Saint-Hilaire au musée Redpath de McGill (photo : Alex Tran)

L’alicewilsonite est parmi les centaines de minéraux dénichés à la Réserve naturelle Gault. Le mont Saint-Hilaire est un complexe alcalin, soit une formation rocheuse riche en sodium (Na), en potassium (K) et en autres minerais rares4. La montagne s’est formée à la suite d’une infiltration de magma il y a 125 millions d’années. Le magma riche en potassium et en sodium a créé un environnement singulier dans lequel des éléments de terres rares provenant du noyau et sont remontés à la surface de la Terre et ont formé des composés que l’on ne retrouve pas dans d’autres conditions. À ce jour, 435 minéraux différents ont été identifiés au mont Saint-Hilaire, ce qui représente 9 % des 5 000 espèces sur la planète, et 72 d’entre eux ont été trouvés pour la première fois ici. La plupart de ces minéraux proviennent de la carrière du mont Saint-Hilaire, du côté nord-est, qui donne accès à la précieuse roche constituant la montagne tant aux projets miniers qu’aux minéralophiles et aux scientifiques. Des collections de minéraux trouvés à la Réserve naturelle Gault sont exposées au musée Redpath de McGill à Montréal et au Musée canadien de la nature à Ottawa.

Pourquoi étudie-t-on les minéraux et les cristaux?

L’alicewilsonite ne se retrouve pas exclusivement à Gault; après réanalyse de spécimens que l’on considérait auparavant comme de la donnayite, on a conclu qu’il s’agissait en réalité de ce nouveau minéral. Ces spécimens proviennent de partout, autant de Saint-Amable, tout près, que de la presqu’île de Kola en Russie, en passant par le complexe alcalin d’Igaliko au Groenland. À mesure que la minéralogie révèle les conditions d’apparition des formations géographiques, on se rend compte que ces trois sites—au Québec, au nord de la Russie et au sud du Groenland—se sont probablement formés dans des conditions similaires, malgré la distance considérable qui les sépare.

Néanmoins, l’étude de la formation de cristaux n’est pas seulement pertinente pour la géologie; elle nous permet de comprendre comment les différentes molécules s’accumulent et se lient dans la nature, ce qui peut être utile en chimie, en biologie, en médecine, en météorologie, en minéralogie, en physique ainsi qu’en sciences de l’environnement et des matériaux. La cristallisation ne se produit pas seulement dans les roches : un cristal, l’hydroxyapatite (Ca5(PO4)3OH), constitue 70 % de la masse des os humains.5 Il est essentiel de mieux comprendre la formation complexe des cristaux pour réussir à recréer des matériaux semblables aux os, par exemple pour les greffes, en laboratoire.6

L’étude de ces minéraux peut aussi contribuer à une cause qui nous touche tous.tes : la protection de la nature. Par exemple, des scientifiques s’intéressent à l’assemblage et l’attraction des molécules ainsi que leurs interactions avec d’autres matériaux. Ces recherches leur permettent de mieux comprendre le mouvement et les interactions des polluants dans les milieux naturels7. Les minéraux de complexes alcalins se forment de manière inhabituelle et l’étude de leur cristallisation renseigne les scientifiques sur le regroupement des molécules en général. On pourrait ainsi mieux comprendre les processus chimiques derrière l’accumulation de polluants dans certains environnements, et, avec un peu de chance, les manières de les éliminer ou de les éviter.

Un cours d’eau bleue et claire bordé de feuillage traverse des roches lisses.
« Wind River Stream » (photo : Kylir Horton, 2023, CC BY 2.0)

Seonaid G. Newell-Macintosh
Assistante aux opérations de terrain
Réserve naturelle Gault de l'Université McGill

En savoir plus

  • Pour voir une carte des différentes zones géologiques de la Réserve naturelle Gault et leur période de formation, c’est ici.
  • Pour lire sur la diversité minéralogique du mont Saint-Hilaire sur notre site Web, c’est ici.
  • Pour une explication rapide de la formation de la montagne, c’est ici.

Références

  1. Lykova, Inna et al. « Mckelveyite Group Minerals – Part 2: Alicewilsonite-(YCe), Na2Sr2YCe(CO3)6 ⋅ 3H2O, a New Species ». European Journal of Mineralogy 35, no. 1 (28 février 2023) : 143–55. Lire l'article.
  2. Reed, S. J. B. "Analyse en microsonde électronique et microscopie électronique à balayage en géologie." Cambridge University Press, 2005.
  3. Perkins, Dexter. "Cristaux et cristallisation." Dans Mineralogy, 2e édition, 2022. Lire l'article. CC BY-NC-SA 4.0.
  4. Musée canadien de la nature. "Diversité minérale à Mont Saint-Hilaire." Vidéo YouTube, 5:14. 29 mars 2021. Regarder la vidéo.
  5. "Hydroxyapatite." Dans Wikipedia. 2 juillet 2023. Lire l'article.
  6. University of Washington News. "Les cristaux se forment selon différentes voies, avec des implications pour la recherche biologique, des matériaux et de l'environnement." UW News (blog), 3 août 2015. Lire l'article.
  7. James J, De Yoreo et al. 2015. Crystallization by Particle Attachment in Synthetic, Biogenic, and Geologic Environments. Science 349(6247): aaa6760.

En-tête : Une exposition des minéraux dénichés sur le mont Saint-Hilaire au musée Redpath de McGill (photo : Alex Tran)

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