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12 juillet 2023

Changements dans une communauté de plantes aquatiques : chance ou sélection?

En regardant dans un étang, vous pouvez voir une multitude d’espèces végétales et animales qui coexistent, formant une communauté diversifiée. Les plus avisé.e.s auront probablement remarqué, cependant, que certaines espèces sont plus abondantes que d’autres. Vous êtes-vous déjà demandé.e comment l’abondance de chaque espèce dans un tel milieu est déterminée?

Plusieurs facteurs peuvent guider les changements de composition de communautés animales et végétales au fil du temps. Ils peuvent, cependant, généralement être regroupés en deux catégories: des processus de tri d’espèces et des processus de dérive écologique. Deux chercheurs du département de biologie de l’Université McGill, Mark Davidson Jewell et le professeur Graham Bell, se sont penchés sur ces processus à l’aide des bassins expérimentaux du laboratoire pour les écosystèmes perturbés (LEAP) à la Réserve naturelle Gault. Ils ont examiné l’influence relative du tri d’espèces et de la dérive écologique sur la composition de différentes communautés de lentilles d’eau, et ce, sur plusieurs générations.

Qu’est-ce que le tri d’espèces?

Le tri d’espèces s’apparente à la sélection naturelle, mais agit à l’échelle d’une communauté plutôt qu’au niveau d’une espèce en particulier. Il s’agit du phénomène par lequel les espèces ayant des caractéristiques augmentant leurs chances de se reproduire (comme des adaptations leur permettant de survivre plus longtemps dans un milieu, par exemple) ont plus de chances de se répandre dans un environnement que les espèces moins bien adaptées. On verrait alors, au fil du temps, que les espèces sont “triées”, de sorte que celles les mieux adaptées deviennent les plus abondantes.

Et la dérive écologique?

La dérive écologique, quant à elle, fait référence à des événements stochastiques qui affectent le nombre d’individus d’une certaine espèce. Un phénomène stochastique, en termes simples, est un événement relevant de probabilités. Par exemple, les catastrophes naturelles comme des feux de forêt, de nouvelles maladies, ou la mort précoce d’un individu à cause d’un accident sont tous des événements stochastiques. L’abondance de différentes espèces dans une communauté est alors en partie le résultat d’une série d’événements plus ou moins « aléatoires », d’où le terme « dérive ».

L’expérience

Pour leur expérience, Jewell et Bell se sont penchés sur la lentille d’eau, une petite plante qui pousse à la surface de divers milieux aquatiques. Puisqu’elles sont petites et se reproduisent rapidement, les lentilles d’eau sont d’excellents modèles pour ce type d’étude; en seulement quelques semaines, les chercheurs pouvaient observer plusieurs générations.

Les chercheurs ont commencé par choisir quatre espèces de lentilles d’eau vivant dans des étangs, connues sous les noms scientifiques Lemna minor, Lemna trisulca, Spirodela polyrhiza et Wolffia columbiana. En faisant varier l’abondance initiale de chacune de ces espèces, ils ont créé quatre types de communautés aquatiques dans les bassins du LEAP. Ces communautés ont ensuite été suivies pendant 12 semaines, durant lesquelles les chercheurs mesuraient l’abondance de chaque espèce par rapport aux autres. Utilisant des méthodes statistiques, ils ont ensuite pu déterminer l’influence du tri et de la dérive écologique dans leurs populations.

Le résultat?

Pour les quatre communautés étudiées, la conclusion était que l’importance relative du tri d’espèces et de la dérive écologique changeait au fil du temps et selon les espèces, mais qu’ultimement le tri d’espèces dominait. Ils ont pu observer que, bien que les communautés de départ eussent des quantités différentes de chaque espèce de lentilles d’eau, les communautés se ressemblaient de plus en plus avec le temps. Ces résultats reflètent bien l’effet du tri, qui semble mener les communautés vers une sorte d’équilibre.

Pourquoi est-ce important?

Malgré les grandes avancées en écologie au cours des dernières décennies, l’ampleur de l’influence de la dérive écologique sur la composition de communautés est encore sujet de discussion chez les scientifiques. Dans le contexte global de perte de biodiversité causée par l’humain, une bonne compréhension des mécanismes influençant le développement et le maintien d’une telle diversité est primordiale. En effet, des découvertes dans ce milieu pourraient s’avérer importantes pour la conservation et la restauration de milieux naturels, et, par le fait même, pour notre bien-être à tous.

Philippe Hamel
Assistant aux opérations de terrain
Réserve naturelle Gault de l’Université McGill

À propos de l'article

Jewell, M. D., & Bell, G. (2022). A basic community dynamics experiment: Disentangling deterministic and stochastic processes in structuring ecological communities. Ecology and Evolution, 12(12), https://doi.org/10.1002/ece3.9568

En-tête : Des lentilles d’eau sur l’étang du pavillon d’accueil Alice Johannsen (photo : Savannah Bissegger O’Connor)

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