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02 février 2023

Reproduire des écosystèmes d’eau douce pour déceler les effets des pesticides courants

Inauguré en 2016, le Laboratoire pour les Écosystèmes Aquatiques Perturbés (LEAP) de la Réserve naturelle Gault compte 96 « étangs ». Ce réseau est en fait constitué d’abreuvoirs pour bovins pouvant contenir jusqu’à 1 000 litres d’eau. En les remplissant avec de l’eau du lac Hertel, des scientifiques ont pu reproduire certains paramètres des écosystèmes d’eau douce pour étudier la manière dont certaines communautés d’organismes de ces écosystèmes, comme le plancton, réagissent et s’adaptent à divers facteurs de stress environnementaux.

Au cours des dernières années, une équipe de recherche de l’Université McGill a étudié les effets de pesticides courants comme l'herbicide Round-Up sur les microorganismes d’eau douce. À l’issue d’une série d’expériences, l’équipe a conclu que le Round-Up était particulièrement néfaste pour les communautés de plancton, entraînant l’extinction de beaucoup d’espèces vulnérables, et ce, même à des concentrations considérées comme sans danger par les normes nord-américaines.

Comment fonctionne le réseau LEAP?

Même s’il se trouve à plus d’un kilomètre du lac Hertel, le réseau LEAP est relié directement à l’eau du lac par un système de tuyaux pendant toute la saison sur le terrain. Il importe en effet qu’en plus de l’eau du lac, ces étangs contiennent également les microorganismes qui y vivent, comme le plancton, les bactéries et les microalgues. L’équipe de recherche s’intéresse aux effets des perturbations environnementales sur ces communautés de microorganismes.

Lorsqu’on étudie la biodiversité, « le plus grand défi en ce moment consiste à générer les connaissances nécessaires pour suivre le rythme des changements que nous observons dans l’environnement » explique Andrew Gonzalez, professeur et détenteur de la chaire Liber Ero en biodiversité au département de biologie de l’Université McGill dans une récente entrevue. Gonzalez indique que dans le cadre du projet LEAP, « nous contenons les écosystèmes dans ce que nous appelons des mésocosmes. De cette façon, nous pouvons accélérer le processus de recherche et le reproduire. Résultat : des recherches effectuées à bien plus grande échelle en moins de temps. C’est une véritable révolution. ».

De nombreux abreuvoirs pour bovins en plastique noir situés à l’extérieur, en face d’un laboratoire.
Les installations du réseau LEAP à la Réserve naturelle Gault (photo : Alex Tran)

Gros plan sur les effets des pesticides communs

L’utilisation des pesticides est largement répandue au Canada et dans le monde. Lorsque ces produits sont épandus sur les terres agricoles, ils sont souvent transportés par la pluie et s’infiltrent dans les réseaux hydrographiques voisins. Ces contaminants s’accumulent alors dans les lacs et les étangs, ce qui peut avoir des effets néfastes sur les écosystèmes à proximité.

Lors de leurs expériences, les scientifiques du projet LEAP ont surveillé les effets de certains pesticides, comme l'herbicide Roundup, l’imidaclopride (un insecticide courant) et les engrais nutritifs, sur l’abondance et la diversité des communautés de plancton.

Une étudiante et un étudiant échantiollonnent l’eau d’un bassin noir.
Une étudiante et un étudiant échantillonnent l’un des étangs du réseau LEAP (photo: Alex Tran)

L’équipe de recherche a découvert que le Round-Up était particulièrement néfaste pour les communautés de plancton, menant beaucoup d’espèces vulnérables à l’extinction, et ce, même à des concentrations jugées sans danger.

À première vue, les résultats semblaient pourtant encourageants. En effet, après une extinction initiale, les communautés de plancton se reformaient généralement en abondance quelques semaines après leur exposition au Round-Up. Toutefois, la structure de ces communautés était différente d’avant l’introduction de l'herbicide. Ces communautés autrefois diverses étaient désormais dominées par quelques espèces tolérantes, des effets qui ont perduré.

Pourquoi est-ce important?

La survie des écosystèmes d’eau douce et de toutes les espèces qui en dépendent (dont la nôtre!) repose sur leur capacité à supporter les grands changements environnementaux. Les pertes de biodiversité peuvent empêcher les communautés d’eau douce de s’adapter et de se remettre des événements stressants. La pression d’activités comme l’agriculture les laisse donc plus vulnérables aux futures perturbations.

Ces résultats sont inquiétants, car comme les organismes touchés par ce ruissellement sont à la base de la chaîne alimentaire des écosystèmes d’eau douce, il y a un risque d’effet domino.

Les scientifiques du projet LEAP saisissent les occasions de travailler avec des populations naturelles en milieu expérimental hors du laboratoire traditionnel afin de mieux prédire l’avenir de nos écosystèmes d’eau douce. En seulement quelques saisons sur le terrain, l’équipe de recherche de McGill a déjà publié une série de travaux qui pourront servir à orienter les décisions pour l’avenir des écosystèmes d’eau douce au Canada.

Des vaguelettes à la surface de l’eau d’un lac.
(Photo : Alex Tran)

Frédérique Truchon
Chargée des communications
Réserve naturelle Gault

En savoir plus

Publications traitées dans cet article

  • « Resistance, resilience, and functional redundancy of freshwater bacterioplankton facing agricultural stress », par Naíla Barbosa da Costa et coll., a été publié dans Molecular Ecology. DOI : 10.1111/mec.16100
  • « Widespread agrochemicals differentially affect zooplankton biomass and community structure », par Marie-Pier Hébert et coll., a été publié dans Ecological Applications. DOI : 10.1002/eap.2423
  • Pour la liste complète des publications, consultez le site Web de LEAP.

En-tête : L'eau d'un des étangs expérimentaux du Laboratoire pour les Écosystèmes Aquatiques Perturbés (LEAP) (photo : Alex Tran)

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