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06 décembre 2021

La ramure des cerfs, un miracle mammalien

De toutes les caractéristiques dont fait étalage le règne animal une des plus remarquable est possiblement la ramure du cerf. Vers cette période de l’année, les cerfs de Virginie (Odocoileus virginianus) mâles paradent dans la Réserve naturelle Gault, tête haute, à la recherche de conquêtes. Mais qu’en est-il des bois qu’ils portent en couronne?

Si l’on peut les confondre avec les cornes que l’on retrouve chez beaucoup d’espèces animales – pour la plupart chez les individus des deux sexes –, les bois sont une particularité de la famille des cervidés et ne se développent que chez les mâles, à l’exception du caribou (Rangifer tarandus). Mais surtout, les bois sont le seul organe mammalien (ce qui se rapporte au mammifère) capable de se régénérer intégralement! Les cornes d’un animal sont là pour la vie, et ne repousseront pas si elles sont endommagées. Les bois, cependant, poussent et tombent chaque année en un cycle remarquable que les scientifiques étudient pour mieux s’expliquer la régénération des organes chez les mammifères.

À l’heure actuelle, la recherche vise principalement à comprendre ce qui donne cette singulière capacité, rappelant celle des cellules souches, aux bois des cervidés, dans l’espoir de nous aider un jour à régénérer les membres et les organes chez l’humain.

Au printemps, les bois commencent à poindre sur le crâne des mâles. Ils sont alors recouverts d’un tissu très vascularisé, le velours, qui nourrit l’os pendant sa croissance. Les bois poursuivent leur croissance durant l’été, et ce à un rythme effréné – ils peuvent gagner 2,5 cm par jour! Vers la fin de la belle saison et avec l’arrivée de l’automne, ils se calcifient et le velours se dessèche, puis se décroche – un processus parfois sanglant que certains individus tentent de faciliter en frottant leurs bois contre les arbres. Le velours parti, les bois n’ont plus aucunes terminaisons nerveuses. La saison des amours bat alors son plein, et les mâles se servent de leur ramure pour se disputer l’accès aux femelles. Une fois terminée la période de rut, les mâles perdent leurs bois. Au Québec, cela peut se produire de décembre à mars, mais c’est le plus souvent en janvier. Après quoi le cycle est prêt à recommencer!


Affrontrement entre deux cerfs de Virginie mâles capturé par un piège photographique en octobre 2018 (photo : Frédérique Truchon)

Deux principaux facteurs sous-tendent ce cycle complexe, mais réglé au quart de tour : le niveau de testostérone et la longueur du jour. L’évolution du second influence le premier à mesure que l’année avance. Ainsi, on retrouve généralement moins de testostérone chez le mâle lors de la période de pousse des bois, puis davantage de l’hormone est sécrétée à mesure que les journées raccourcissent vers la fin de l’été et le début de l’automne. La taille de la ramure et le taux de testostérone sont tous deux à leur apogée durant le rut. Peu après, la testostérone baisse drastiquement, ce qui déclenche la chute des bois.

Selon les chercheurs, la perte de leurs bois par les mâles illustre bien ce qui leur en coûte de se maintenir saisonnièrement à un taux élevé de testostérone. En effet, c’est dans cette période qu’ils sont le plus à risque de se blesser ou de tomber malades, en raison des divers comportements reproducteurs qu’ils adoptent – comme leurs affrontements avec les autres mâles, ou le fait qu’ils passent le plus clair de leur temps à chercher des femelles plutôt que de la nourriture –, lesquels ne sont évidemment pas tenables à long terme.

La prochaine fois que vous croiserez un cerf de Virginie dans la Réserve, portez une attention particulière au sommet de son crâne. À l’hiver et au printemps, vous pourrez remarquer les protubérances osseuses qui sont l’assise sur laquelle pousseront les bois. À l’été, vous noterez probablement à quel point les bois semblent doux et arrondis lorsqu’ils sont recouverts de leur velours. Et à l’automne, vous aurez droit au spectacle de la ramure du cerf dans toute sa splendeur!

Frédérique Truchon
Chargée des communications
Réserve naturelle Gault de l’Université McGill

En-tête : Un cerf de Virginie mâle détecté par un piège photographique en juillet 2018 (photo : Frédérique Truchon)

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