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05 janvier 2023

La crise du verglas

En janvier 1998, il y a maintenant 25 ans le Québec a vécu l’une de ses plus grandes catastrophes naturelles. Pendant plusieurs jours, la pluie verglaçante s’abat sur le sud du Québec recouvrant de glace arbres, routes et lignes électriques. La Montérégie était au cœur de cette tempête historique qui a eu un grand impact sur les infrastructures, mais aussi sur la nature.

Au total, entre 80 et 100 mm de glace ont couvert les forêts du mont Saint-Hilaire, plus du double du précédent record historique. Seulement 3 % des arbres matures s’en sont sortis sans dommages. Plus du tiers ont perdu au moins la moitié de leurs branches.

Par un étrange hasard, le verglas a aussi stimulé la recherche à la Réserve naturelle Gault. En effet, à peine quelques mois plus tôt, 87 parcelles permanentes de recherche avaient été installées pour étudier les forêts du mont Saint-Hilaire. Depuis, le travail de nombreux scientifiques dans ces parcelles a permis de mieux comprendre les impacts d’une tempête de cette ampleur sur les forêts matures, et leur régénération naturelle.

L’importance des suivis écologiques à long terme

Les scientifiques ont pu comparer les données récoltées avant la crise du verglas avec celles récoltées au cours des années suivantes. Ces données, une vraie mine d’information, ont offert une occasion unique d’évaluer la régénération de la forêt en détail. Une équipe de recherche menée par le professeur Martin Lechowicz, directeur de la Réserve à l’époque, s’est donc penchée sur la question.

Pendant et après la tempête, de nombreux arbres ont été endommagés par le poids de la glace. Brindilles, branches et parfois même troncs ont cassé et recouvert le sol. Les scientifiques estiment qu’environ 19 900 tonnes de biomasse, soit 7 à 10 % de la forêt, auraient été perdues sur le territoire de la Réserve naturelle Gault. Ceci constitue des dommages records pour toute pluie verglaçante.

Plusieurs arbres et branches couvrent le sol.
(Photo : Réserve naturelle Gault de l'Université McGill)

L’impact de toutes ces branches cassées

Les grandes perturbations comme celle-ci peuvent avoir des impacts à long terme, allant même jusqu’à changer la composition d’une forêt. Lorsque les branches des arbres matures se brisent, elles laissent des ouvertures dans la canopée. Ces ouvertures permettent à la lumière d’atteindre les plantes au sol qui seraient normalement sous l’ombre des arbres plus grands.

Cette nouvelle lumière peut alors encourager la pousse de jeunes arbres et même permettre à des espèces qui ne tolèrent pas l’ombre de s’établir.

Photo de la cime des arbres avec un trou.
Un trou dans la canopée laisse la lumière atteindre le sol (photo : Alex Tran).

Au mont Saint-Hilaire, les ouvertures dans la canopée ont plus que doublé à la suite de la tempête. Les scientifiques ont fait deux découvertes surprenantes à ce sujet :

  1. Malgré sa sévérité, le verglas n’a pas changé la composition ni la diversité de la forêt : Plutôt que de favoriser l’établissement de nouvelles espèces comme c'est souvent le cas, les ouvertures de la canopée au mont Saint-Hilaire ont plutôt aidé les jeunes arbres déjà présents à pousser plus rapidement.

  2. La canopée s’est regénérée beaucoup plus rapidement que prévu : En 1998, les scientifiques ont avancé que l’ouverture de la canopée pourrait prendre 20 à 25 ans pour retourner aux niveaux observés avant la crise du verglas. Pourtant, dès 2000, seulement 3 étés après la crise du verglas, la canopée était rétablie.

Les dommages ne sont pas les mêmes partout

Ces parcelles ont permis aux scientifiques de répondre à une question jusqu’alors peut comprise : est-ce que le verglas affecte toute la forêt de la même façon? Eh bien non. Les chercheurs ont constaté que certains secteurs étaient beaucoup plus endommagés que d’autres!

Les secteurs riches en hêtre à grandes feuilles (Fagus grandifolia), par exemple, ont été particulièrement endommagés par la tempête au mont Saint-Hilaire. La pruche du Canada (Tsuga canadensis), en revanche, est plutôt résistante aux dommages causés par le verglas. Les secteurs où cet arbre est abondant ont donc été moins affectés.

Le relief pourrait aussi avoir influencé la sévérité des dommages d’un secteur à l’autre. Les arbres au bas d’une pente, par exemple, étaient plus endommagés. Les scientifiques croient que l’accumulation d’air froid à ces endroits aurait pu ralentir la fonte de la glace. En affectant la direction et la force des vents, le relief peut aussi influencer l’ampleur des dommages.

Arbres couverts de glace et courbés en bordure du lac Hertel
Versant de la montagne en bordure du lac Hertel lors de la crise du verglas de 1998 (photo : Réserve naturelle Gault de l’Université McGill)

Mieux prédire les prochaines tempêtes

La crise du verglas de 1998 était une tempête historique qui a paralysé le sud de la province pendant plusieurs semaines. Malgré les conditions difficiles qu’elle a engendrées, elle a également permis d’améliorer nos connaissances sur les tempêtes de ce type. Comme nous l’avons vu, une catastrophe de cette ampleur nécessite une réponse coordonnée à grande échelle. Le nouveau laboratoire inauguré cet été à la Réserve naturelle Gault, l’AEOS1, pourrait permettre aux scientifiques de mieux comprendre, et donc prédire, les tempêtes hivernales de ce type.

Frédérique Truchon
Chargée des communications
Réserve naturelle Gault de l’Université McGill

1. L'acronyme AEOS signifie Adaptable Earth Observation System

Références

1. Stéphanie M Duguay, Ken Arii, Michael Hooper, and Martin J Lechowicz. 2001. Ice Storm Damage and Early Recovery in an Old-Growth Forest. Environmental Monitoring and Assessme:t 67, 97–108. https://doi.org/10.1023/A:1006464511158

2. Michael C Hooper, Ken Arii, and Martin J Lechowicz. 2001. Impact of a major ice storm on an old-growth hardwood forest. Canadian Journal of Botany. 79(1): 70-75. https://doi.org/10.1139/b00-148

3. Koichi Takahashi, Ken Arii, and Martin J.Lechowicz. 2007. Quantitative and qualitative effects of a severe ice storm on an old-growth beech–maple forest. Canadian Journal of Forest Research. 37(3): 598-606. https://doi.org/10.1139/X06-266

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