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05 octobre 2021

Le lichen : d’art et d’air pur

En parcourant les sentiers pédestres de la Réserve naturelle Gault, vous découvrirez une abondance de lichens colorés habillant les arbres, les rochers et le sol. Si au premier coup d’œil vous croyez voir des plantes ou des mousses, détrompez-vous : les lichens sont en fait des organismes composites issus de la relation de mutualisme entre un champignon et un organisme photosynthétique (algue ou cyanobactérie). On parle de « mutualisme » lorsque deux organismes profitent mutuellement de leur interaction. En échange d’un milieu de vie protégé à l’intérieur même du champignon, l’algue ou la bactérie nourrit son hôte, lui fournissant de l’énergie sous la forme de sucres produits parphotosynthèse.

De lichens, il y a trois types : le lichen foliacé (qui ressemble à des feuilles, comme celles de laitue), le lichen fruticuleux (qui rappelle un arbuste ou une touffe de cheveux) et le lichen crustacé (qui forme une croûte). Certains mammifères, comme le cerf, en mangent, et de nombreuses espèces d’oiseaux s’en servent pour construire leur nid. Si certains lichens se fondent dans le paysage, d’autres — en particulier ceux du type crustacé — forment d’éclatantes taches orangées, turquoise, jaunes ou blanches sur leur support. Leur beauté est telle qu’elle a notamment donné naissance au populaire « art de lichen » ; les gens adorent consigner et exposer ce qu’ils ont vu en randonnée. Cela dit, l’intérêt des humains pour cette forme de vie complexe n’est pas nouveau : tout au long de l’histoire, les lichens ont servi de nourriture, de remède, de teinture et de matériau pour la confection de vêtements.

La caractéristique la plus intéressante du lichen est sans doute sa sensibilité intrinsèque à la pollution de l’air, une particularité qui n’est pas sans utilité pratique. Puisqu’ils obtiennent leurs nutriments par photosynthèse, et donc de l’atmosphère plutôt que du sol, ils ne survivent généralement pas dans les régions très polluées. Chaque espèce a son propre niveau de tolérance à différents polluants, comme l’ammonium (NH4+), le dioxyde de soufre (SO2) ou le dioxyde d’azote (NO2). Le lichen foliacé est le plus sensible, tandis que le crustacé résiste le mieux. La seule présence de lichen, surtout dans ses formes « feuillues », est donc un bon indice d’un environnement pur et naturel !

Les scientifiques de l’environnement se servent du lichen comme d’un « bioindicateur » : ils se basent sur la fréquence d’observation et la surface couverte par l’organisme sur les arbres pour évaluer le niveau de pollution de l’air. Fait intéressant, les éléments polluants toxiques et les métaux radioactifs restent emprisonnés dans les filaments mycéliens, où ils s’accumulent en couches au fil du temps. Ainsi, en examinant le contenu d’échantillons de lichen, les chercheurs peuvent établir une ligne du temps de la pollution dans différentes régions pour répondre à des questions déterminantes. Par exemple, quelle serait la différence entre un lichen trouvé en bordure d’autoroute et un autre prélevé dans une aire vierge protégée, comme un parc national ? Ou mieux encore, l’air est-il aussi pur près du stationnement de la Réserve naturelle Gault qu’à proximité du lac Hertel ? Voilà quelques-uns des sujets passionnants auxquels les chercheurs continueront de s’intéresser.

Savannah Bissegger-O’Connor
Assistante stagiaire aux opérations sur le terrain
Réserve naturelle Gault de l’Université McGill

En-tête : Le lichen des rennes (Cladonia rangiferina) (photo : Alex Tran)

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