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03 mai 2022

Exclos de cerfs de Virginie

Voilà plusieurs dizaines d’années que les populations de cerf de Virginie (Odocoileus virginianus) dans la région augmentent. Les hivers plus doux et la disparition de la plupart des prédateurs naturels du cerf ont entraîné une baisse significative de son taux de mortalité. De plus, les femelles donnent souvent naissance à deux faons par an, quand les conditions sont propices. Résultat : dans beaucoup de secteurs, la population est plus dense que jamais, ce qui accentue la pression sur leurs sources de nourriture.

En 2006, Martin Lechowicz, Ph. D., alors directeur de la Réserve naturelle Gault, a vu dans le « baby-boom » du cerf une occasion d’amorcer un nouveau projet de recherche à long terme au mont Saint-Hilaire. Il voulait particulièrement observer l’effet de l’augmentation de la population de cerfs sur la végétation du sous-bois de cette forêt ancienne. À son initiative, un étudiant et quelques membres du personnel de la Réserve ont donc construit 32 exclos de cerfs. Mais qu’est-ce qu’un exclos, vous demandez-vous? C’est le contraire d’un enclos : il ne sert pas à garder les animaux à l’intérieur, mais bien à l’extérieur. Cet outil permet de comparer les végétaux protégés par les exclos et ceux qui poussent sans protection, dans la forêt. Et c’est cette comparaison qui nous fournit une estimation raisonnable de l’effet de la surpopulation du cerf de Virginie sur la santé de la forêt depuis 16 ans.

Deux cerfs de Virginie se nourrissent de jeunes feuilles d'arbres au début du printemps.
Deux cerfs de Virginie se nourrissent de jeunes feuilles au début du printemps (photo : Alex Tran)

Pourquoi s'intéresse-t-on au trille blanc?

Après un long hiver sans grande nourriture, le cerf guette la moindre pousse verte au début du printemps. Parmi les végétaux hâtifs, les fleurs printanières éphémères sont donc très attendues, en particulier le trille blanc (Trillium grandiflorum), très apprécié du cerf. Avec ses trois larges feuilles, cette plante peut atteindre 30 centimètres et constitue un mets de choix pour l’animal. Le trille blanc produit une grande fleur blanche au printemps, mais peut mettre jusqu’à 17 ans à atteindre la maturité nécessaire pour fleurir une première fois.

Le trille blanc est une espèce indicatrice clé de la pression de broutement du cerf de Virginie dans la forêt environnante. À la Réserve, sa surveillance appuie les relevés aériens qui suggèrent que la densité du cervidé devient insoutenable. L'impact des cerfs se dessine lorsqu'on compare les caractéristiques physiques des trilles qui poussent à l’abri à celles des trilles qui poussent sans protection.

Une grande fleur blanche à trois pétales et un centre jaune est au bout d'une longue tige où il y a trois grandes feuilles.
Le trille blanc peut mettre jusqu’à 17 ans à atteindre la maturité nécessaire pour produire sa première fleur (photo : Alex Tran)

En raison du broutage répété des cerfs année après année, les trilles de la Réserve ont de la difficulté à obtenir les ressources qu’il leur faut pour atteindre la maturité. Les données recueillies au fil des ans montrent que les trilles qui poussent à découvert sont plus petits, en moyenne, que ceux protégés par les exclos. Ils sont aussi moins nombreux dans les zones de référence à l’extérieur des exclos, où les cerfs peuvent brouter librement. En fait, le trille n’a pas fleuri dans ces zones depuis de nombreuses années, alors que beaucoup de plantes protégées produisent des fleurs tous les ans.

Grâce à la vision de M. Lechowicz, nous avons droit à un aperçu des effets de la surabondance du cerf de Virginie à travers le temps. Les projets de surveillance à long terme comme celui-ci ont une grande valeur pour le milieu scientifique et peuvent nous aider à compenser les ajustements de nos données de référence. En effet, pour beaucoup, la forêt du mont Saint-Hilaire paraît immaculée et inchangée. Mais ceux qui visitent la Réserve depuis plusieurs dizaines d’années ne sont pas du même avis. Le trille blanc a déjà été si abondant qu’il recouvrait le sol au pourtour des sentiers d’un tapis de fleurs blanches. En tant qu'indicateur, la diminution de la population de trilles nous indique que les autres plantes de la forêt ont aussi probablement été grandement affectées par la surabondance de cerfs au cours des dernières décennies.

De nombreuses fleurs blanches (trille blanc) sont visibles le long d'un sentier
Photo non datée montrant l’abondance du trille blanc le long d’un sentier de la Réserve naturelle Gault (photo : Université McGill)

Ce projet de surveillance à long terme se poursuit. En 2019, une équipe de recherche du laboratoire de Virginie Millien, Ph.D., a construit 16 nouveaux exclos, portant le total à 48. Dans quelques semaines, des stagiaires et d’autres chercheuses et chercheurs iront sur le terrain, règles et calepins en main, pour amorcer une autre saison d’échantillonnage des exclos.

Frédérique Truchon
Chargée des communications
Réserve naturelle Gault de l’Université McGill

En-tête : Frédérique Truchon mesure une feuille de trille blanc à l’intérieur d’un exclos de cerfs en 2019 (photo : Alex Tran)

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